Instants d’un futur qui traverse le pont du présent

XII – Le désir courait plus vite que l’infini

Tu m’attendais
Là-haut
Au fort d’Altit
Avec le matin
Ta cage d’herbe
Le chant du merle aux ailes blanches
Dans la chambre des foins fragiles
Près d’un tas de feuilles séchées
Paroles du printemps
A peine passé
Trop aimé par l’été.
Nos regards
Etaient une saison nouvelle
Sur nos hanches,
La tendresse tremblait jusqu’aux lèvres.
Nous étions fenêtre
Ouverte
Et sentiers d’eau
Pour les radeaux de l’immense.
Dehors
Sur les pentes du Hunza
Dans sa lumière encore endormie
Le désir courait plus vite que l’infini.
Les syllabes
Ocres
Chaudes
Des abricots épars
Séchaient avec le silence bleu de l’Ultar
Sur les toits aux longs hivers
Déjà oubliés
Le long de l’odeur
Acide
Des chaumes délaissés.
Les peupliers
Si hauts
Effilés
Pinceaux des hauteurs insoumises
Peignaient des cerfs-volants
Sur les chemins invisibles
Caresses du vent
Qui ne connaît pas de chemin
Pour nos mains timides.
Emus de tant de présence
Nous avons dénoué les lacets des pudeurs antiques
Et sommes devenus rizières
Offertes
Où les buffles aiment labourer
Et se laisser aimer par la terre.
Nous avons semé des essaims de cigales
Celles qui chantent très tard le soir
Et font durer l’été.
Nous avons planté des brassées de bleuets
Et jeté des albatros du haut des montagnes
Dans les vallées
Pour le bonheur du jour qui venait à notre rencontre
Qui voulait partir avec nous
Vers les matins qui ne regardent jamais plus en arrière
Pour s’asseoir avec nous
Le soir
Et écouter respirer les ruches endormies
Où se repose la lumière du miel
Et se créent les nouveaux songes.
En bas
Le fleuve nous attendait
Dans son bras planté de mûriers
Où la galaxie a l’habitude de s’arrêter
Laver les étoiles pour l’été.
Plus rien nous séparait
Même pas l’espérance.
Et s’il vous arrive de sortir les nuits d’été
Au bord d’un fleuve
Vous entendrez encore l’amour et le vent
Remonter le silence.

Septembre – Octobre 1995